22 juin 2020 - Collaborateur

Premier « shift » pour une première fois

Nous avons demandé à Fannie, guide animatrice sénior à Boréalis, de nous partager la première fois où elle a fait le parcours urbain Premier « shift ». Voici le récit de son Premier « shift »!

Ça faisait un peu plus d’un an que je travaillais à Boréalis la première fois que j’ai fait le parcours urbain audioguidé Premier « shift ». J’avais le désir de le faire bien plus tôt, mais ça n’a tout simplement jamais adonné : préparez-vous une petite heure par une journée où la météo est belle pour pouvoir faire ce parcours à travers le terrain de l’ancienne CIP et le quartier ouvrier qui le borde. Tout se fait à l’extérieur et on marche durant un bon 45 minutes : j’avais prévu ma bouteille d’eau et de bons souliers de marche pour vivre cette expérience.

J’ai choisi un début d’après-midi tranquille à Boréalis pour faire le parcours. J’étais assez emballée par celui-ci : je travaillais sur place depuis plus d’un an, je peux parler pendant des heures de la CIP et je prends l’autobus tous les jours en face de la Rôtisserie Ste-Cécile, mais je n’avais aucune idée concrète de tout ce petit monde qui gravitait autrefois autour du moulin à papier. Je ne viens pas de Trois-Rivières et suis trop jeune de toute façon pour me souvenir des billots qui flottaient sur la St-Maurice ou de l’usine, lorsqu’elle était encore en fonction.

Du concret et des souvenirs : Premier « shift » m’en promettait pas mal! Après avoir mis mes écouteurs, un narrateur m’explique ce qui m’attend pour les prochaines 50 minutes : je suis le petit nouveau de la CIP et je m’apprête à vivre mon premier quart de travail (mon premier « shift », donc.) Je dois garder un rythme de marche paisible (je me suis bien demandé à quoi ça ressemble) et je peux mettre sur pause à tout moment pour me rendre à ma destination (ouf!) Pour cette première journée au boulot, je dois aller rencontrer un de mes collègues de travail, René, qui va me faire visiter le terrain de la CIP, une partie de l’usine et le quartier autour. J’avais assez hâte de rencontrer René, le fantastique narrateur de cette aventure : en plus d’avoir déjà travaillé à la CIP, il a été un professeur très apprécié par plusieurs de mes amis qui sont passés au Collège Laflèche, le genre de prof dont on parle longtemps, avec quelque chose de brillant dans les yeux, d’un peu complice. Je savais que je pouvais lui faire confiance pour faire ce parcours. J’entreprends donc un rythme de marche paisible jusqu’en haut des escaliers de la piste cyclable. Finalement, j’arrive trop vite, mais je ne panique pas : l’autre narrateur me dit de ne pas m’en faire et d’attendre où je me situe. René ne me fait pas attendre trop longtemps et je suis rapidement immergée dans l’univers du temps de la CIP, l’ancienne plus grosse usine de papier journal du monde.

J’aurais tellement de choses à dire sur ce parcours, mais je préfère ne pas trop vous divulgâcher les surprises. Premier « shift » se fait seul ou en groupe sans problème. Je pense que la première grande force de Premier « shift » est de favoriser la discussion sur nos souvenirs ou sur ce que l’on vient d’entendre. Parce que ce parcours, ce n’est pas seulement René qui parle pendant 50 minutes! Cette visite de la CIP et du quartier est entrecoupée de nombreux témoignages d’anciens travailleurs : certains sont très drôles, d’autres le sont beaucoup moins. J’ai beaucoup ri durant Premier « shift », mais j’ai aussi été très émue. J’ai compris beaucoup de choses sur la CIP que je n’avais pas comprise en lisant et relisant mon matériel de visite, à Boréalis.

 

La deuxième grande force de Premier «shift » est clairement son ambiance sonore. Ça peut paraître évident comme commentaire puisqu’il s’agit après tout d’un parcours audioguidé, mais le son et le rythme du parcours ont été tellement bien travaillés qu’il n’est pas difficile de se laisser immerger dans la CIP d’autre fois, comme on se laisse transporter par une chanson qu’on aime particulièrement. Ça m’est arrivé plusieurs fois d’enlever un écouteur pour voir si les cris et les bruits que j’entendais venaient du parcours ou de la vraie vie qui m’entoure. Les pauses et les silences sont suffisamment courts pour ne pas casser l’immersion tout en permettant de réfléchir et de passer d’un sujet vers un autre sans que ça ait l’air bizarre. J’ai vraiment eu l’impression de lire un très bon livre du début jusqu’à la fin.

 

La troisième grande force de Premier « shift », c’est de nous faire découvrir le quartier Ste-Cécile autrement. Il y a eu beaucoup de fierté dans ce quartier ouvrier et une bonne partie de l’histoire de Trois-Rivières s’y est déroulée. Avant l’arrivée des premiers moulins à papier au début du 20e siècle, Trois-Rivières comptait environ 9000 âmes. Les premières usines de papier, dont la CIP, ont attiré bon nombre de travailleurs venus de partout dans la région et ont fait plus que tripler la population en l’espace de 30 ans! Ce n’est certes pas de la grande histoire qui s’est déroulée entre les murs de ces appartements construits rapidement les uns sur les autres. Il n’est pas question de la guerre, de magouille politique, de coup d’État ou de Duplessis ici. Premier « shift » met l’emphase sur la petite histoire de ces hommes et de ces femmes sans histoire, ceux dont parle Claude Dubois dans sa chanson Comme un million de gens. Difficile de ne pas être ému maintenant lorsque je passe en autobus dans l’étroite rue Ste-Cécile et que j’y observe ses murs et ses fenêtres. Difficile de ne pas repenser à cette fierté et à la microsociété créées dans ce quartier vivant au rythme des cloches de l’usine et de l’église. Alors que nous parcourons les rues du quartier, René m’explique qu’il y avait autrefois un restaurant ici, un garage là. Et l’église? J’ai dû mettre sur pause quelques minutes pour reprendre mes esprits lorsqu’il a été question de l’église (mais je ne vous divulgâche rien! Allez faire Premier « shift », on s’en reparle après!)

 

Je suis rentrée à Boréalis avec le cœur gros et l’esprit allumé, regardant les condos en construction, l’amphithéâtre et les terrains encore vides entre les deux pour essayer de mieux m’imaginer les piles de bois et les cheminées de l’usine. J’aurais tellement de questions à poser à René et aux témoins qui ont participé au projet, mais ils ne m’ont malheureusement pas entendu à travers la barrière technologique.

Parfois, quand c’est tranquille au musée, il m’arrive de me laisser bercer à nouveau par les histoires de René et des anciens travailleurs de la CIP. C’est certain que comme je travaille pour Culture Trois-Rivières, je suis naturellement très intéressée par les différents parcours, mais je vous donne ma parole que l’expérience vaut franchement le détour.

 

Fannie Hamel Thibault

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